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" Diététique
Alicaments : rêve ou réalité ? Poulet à la dioxine, listeria, vache folle… et après ? Les consommateurs, lassés de risquer leur vie à chaque repas, se tournent vers l'alimentation utile. Aujourd'hui, comme on fait ses courses, on se soigne. Les alicaments : rêve ou réalité ? |
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Au Vème siècle avant JC, Hippocrate, auteur du fameux serment, disait, "Des aliments, tu feras médecine". 2500 ans plus tard, cette maxime est plus que jamais d'actualité. Si dans le passé, on mangeait pour survivre, le troisième millénaire s'ouvre sous le signe de l'alimentation-santé. Les rayons de nos supermarchés regorgent d'alicaments, ces produits enrichis en vitamines, minéraux et autres nutriments devenus la clé de voûte d'énormes succès commerciaux. Qu'on les appelle alicaments, nutraceutiques, aliments fonctionnels ou médicaliments, ces yaourts anti-rhume, boissons anti-âge et autres bonbons anti-grippe, sont-ils notre visa pour l'éternité ? Pas si sûr…
Un phénomène de société
Les alicaments sont "des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers". Cette définition est officielle, preuve que ces nutraceutiques intéressent les pouvoirs législatifs. Bruxelles s'interroge. Pour le moment, les étiquettes françaises de produits enrichis peuvent mettre en avant l'action d'un nutriment sur l'organisme. En revanche, aucun effet supposé sur une maladie, ne peut-être mentionné. Du moins tant que les études scientifiques réalisées en ce domaine seront encore balbutiantes. Ainsi, un yaourt enrichi en calcium et vitamine D peut, à la rigueur, "favoriser la solidité des os" mais en aucun cas "prévenir l'ostéoporose".
Les législations américaine et japonaise sont beaucoup moins contraignantes. Au pays de l'Uncle SAm, la FDA (Food ans Drugs Administration) ne parvient pas à faire respecter les lois, transgressées par les tout-puissant groupes de l'industrie agroalimentaire. Dans l'Empire du Soleil Levant, les pouvoirs publics défendent l'idée de faire de l'alimentation une médecine.
Révolution dans les caddies
En conséquence, Américains et Japonais sont les plus grands consommateurs d'alicaments au monde. Aux Etats-Unis, des rayons entiers de grandes surfaces sont dédiés aux yaourts anti-rhume, chewing-gums pour la vue et autres jus de légumes censés prémunir contre le cancer. Le Japon n'est pas en reste. Il va même plus loin, avec la "cosmetofood" et sa kyrielle de boissons anti-rides ou au collagène (cf. encadré).
Même avec une législation moins laxiste, le pays de la bonne bouffe est désormais envahi par ces aliments d'un genre nouveau plébiscités par les consommateurs. Les industriels du secteur ont su exploiter l'anxiété des Français face aux denrées alimentaires, devenues douteuses ces dernières années. Aujourd'hui, on va faire ses courses comme l'on irait dans une pharmacie : un tiers des produits mis sur le marché sont des aliments fonctionnels. On peut déjà acheter du lait enrichi en vitamines diverses et variées, favorisant "la fixation du calcium sur les os", du chocolat à boire riche en magnésium, pour "développer l'activité cérébrale", ou encore des œufs aux Oméga 3, censés "protéger le cœur". Au détour d'un rayon, le consommateur trouve aussi des bonbons aux vitamines qui donnent de l'énergie, des céréales enrichies en fibres qui "favorisent le transit intestinal", des yaourts contenant telle bactérie lactique pour "rénover la flore intestinale" et même des margarines anti-cholestérol !
Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Les recherches battent leur plein pour que nous puissions profiter un de ces jours, de lait aux antibiotiques, de sauce-tomate contre le cancer de la prostate, de banane-vaccin contre l'hépatite B, de plants de tabac renfermant de l'hémoglobine humaine, et la liste est longue !
L'enjeu scientifique
Si les recherches sont si nombreuses en ce domaine, c'est parce qu'elles sont financées par les industriels de l'agroalimentaire : sans preuve scientifique de l'effet positif d'un alicament sur l'organisme, aucune commercialisation. Or, un aliment fonctionnel se vend en moyenne deux à trois fois plus cher que son homologue classique. Une étude au résultat convaincant représente donc un véritable jackpot pour le groupe qui la finance.
Quand un médicaliment est mis sur le marché, la prudence reste cependant de mise. Ainsi, en France, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) impose, sur les étiquettes d'alicaments, la présence d'une mention avertissant les consommateurs que seuls les sportifs de haut niveau et les personnes suivant un régime peuvent avoir besoin d'une supplémentation en tel ou tel nutriment. Or, cette mention est bien souvent illisible sans l'aide d'une loupe…
Le consommateur, maillon de la chaîne des risques malgré lui
Même si elles sont juste assez concluantes pour permettre la commercialisation d'un nouveau produit, les recherches sont, dans la majorité des cas, assez peu probantes et rarement révolutionnaires. Surtout, le consommateur n'est pas assez averti des risques qu'il prend en consommant un nutraceutique.
En effet, même si l'organisme élimine généralement les excès, la surconsommation de tel ou tel nutriment peut s'avérer dangeureuse (cf. encadré). En outre, l'usage d'alicaments comme une alternative à la médecine traditionnelle peut entraîner des dégâts : si dans le cas d'un mal bénin, l'aliment fonctionnel peut jouer le rôle d'un placebo, il ne doit en aucune manière remplacer le recours à un traitement médical dans le cadre d'une maladie plus grave. Enfin, un médicaliment ne doit pas servir d'excuse pour se dispenser d'une réelle hygiène nutritionnelle : une alimentation équilibrée fournit tous les nutriments nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme.
Si, la science atteste du réel bénéfice d'un aliment fonctionnel, pourquoi s'en priver ? Mais en attendant, l'éducation des consommateurs quant aux risques qu'ils peuvent encourir est indispensable. Cela passe d'abord par la lecture des étiquettes, loupe à la main… |
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